Une imprimante 3D, des filaments plastiques et un plan en libre-service ou payé une centaine de dollars, et vous voici avec une arme à feu fonctionnelle. En 2013, l’américain Cody Wilson devient une célébrité en présentant son arme qu’il a lui-même nommée « Liberator », créée grâce à une imprimante 3D. L’arme est entièrement en plastique mis à part le percuteur, qui est un clou. Dix ans plus tard, de nombreux pays ont affirmé avoir saisi des armes en plastique créées à la maison, que ce soient les Etats-Unis, le Canada, HongKong, Myanmar, l’Espagne ou l’Islande.

 

Les armes « non factices » du futur ?

               Ces nouvelles armes sont considérées par certains comme une nouvelle menace pour les rues du monde, ces armes étant en effet grandement indétectables et intraçables car non numérotées par un armurier. Etant imprimées directement à la maison, il n’y a pas de numéro de série, d’où leur surnom d’armes « fantômes ». A cela s’ajoute l’idée que ces armes en plastique pourraient passer sans alarmer les détecteurs de métaux et les portiques de sécurité dans le secteur public et dans les réseaux des transports collectifs. Des journalistes ayant enquêté sur ces armes en ont construit une. Ils ont ensuite réussi à monter dans l’Eurostar avec celle-ci en pièces détachées et à l’assembler dans le train. Ces armes invisibles inquiètent par leur facilité à être introduites, même dans des lieux considérés comme sécurisés. Il y a également une peur de leur prolifération car elles sont accessibles à tous. En effet, il n’y a pas besoin de connaissances particulières pour confectionner chaque pièce avec son imprimante 3D, ni ensuite pour les assembler grâce aux plans achetés sur internet. La qualité des imprimantes 3D vendues dans le commerce s’améliore quand leur prix diminue depuis plusieurs années, la technologie n’étant plus si nouvelle. Leurs capacités vont d’ailleurs continuer à évoluer. Leur accessibilité est également totale puisqu’il n’y a aucune vérification de l’âge, de la santé psychologique, de la moralité ou des antécédents judiciaires des personnes. Il apparait donc nécessaire de faire évoluer rapidement les législations sur les armes, mais également les règles et les contrôles des acquisitions de l’ensemble des composants utilisés pour fabriquer une arme à feu en plastique, afin d’éviter ou du moins, de contrôler leur prolifération. Les acquéreurs sont aussi supposés agir en toute illégalité, s’ils n’ont pas de permis, pour obtenir des munitions de différents calibres pour ces armes et des incidents d’utilisation peuvent survenir.

Ces armes imprimées ont déjà servi à commettre des crimes, comme en 2019 à Halle en Allemagne lors de Yom Kippour, quand un tireur a attaqué une synagogue et un restaurant turc, faisant deux morts. C’est un phénomène encore peu courant mais qui tend à s’étendre. L’efficacité de ces armes artisanales ne fait donc aucun doute mais il convient de relativiser leur menace réelle. Malgré les craintes que ces armes instillent, il apparait difficile pour l’instant de les voir comme l’avenir du terrorisme ou de la criminalité organisée, mais plutôt comme étant de l’usage d’individus isolés, car il est possible de trouver des armes facilement sur le marché noir, et à des prix bien plus compétitifs. De plus, construire une arme à feu avec une imprimante 3D est chronophage puisqu’il faut imprimer chaque pièce indépendamment, puis l’assembler. Enfin, l’idée d’une arme entièrement en plastique est pour l’instant improbable, certaines pièces devant être particulièrement résistantes pour encaisser les effets de la détonation. Donc le fantasme qu’une arme en plastique entièrement montée puisse passer des portiques de détection de métaux reste improbable, elle doit être en pièce détachée et la ou les qui ne sont pas en plastique doivent passer les portiques.

 

Quel semble être le profil type des acquéreurs potentiels

Qui sont les personnes tentées par ces armes imprimées ? Il apparait particulièrement intéressant de se concentrer sur les personnes qui prennent ce temps et cet argent pour construire leur arme, et de s’interroger sur leurs motivations. Il semble alors possible de distinguer quatre groupes d’individus.

Les deux premiers groupes, qui formeraient une première catégorie, se caractérisent par l’idée et la volonté de se tenir en marge de la société. Certains individus se définissant comme des « survivalistes » sont friands de ce genre d’arme. Anticipant le déclin et une chute de l’Etat et du système social, il est question pour eux de développer une forme d’auto-suffisance afin de ne pas avoir à compter sur le système. Pour eux, les armes imprimées en 3D permettent donc de rester en-dehors de celui-ci tout en s’auto-protégeant. Le deuxième groupe, toujours dans cette même idée, regroupe ceux qui se considèrent comme des « libertariens » contre un Etat qu’ils voient comme toujours plus contraignant. Cody Wilson entre notamment dans cette catégorie, avec l’idée que la liberté individuelle se doit d’être la plus large. A travers ses armes, il considérait protéger la liberté d’expression et le droit de porter une arme aux Etats-Unis comme l’autorise la Constitution.

Ensuite, nous trouvons les personnes qui doivent rester sous les radars comme ceux faisant partie de groupes « rebelles » souvent clandestins, que ce soient les opposants au régime à Hong Kong ou les opposants à la junte à Myanmar, par exemple. Ces derniers ont déjà publié des photos d’eux sur les réseaux sociaux, s’affichant avec des armes imprimées en 3D. Cependant, aucune preuve n’a été retrouvée, indiquant qu’ils avaient déjà utilisé ces armes lors d’opérations. Cela pourrait donc être plus un effet d’affichage, pour montrer leurs capacités et leurs moyens de rebondir face aux actions de la junte contre eux. En dernier, il y a les personnes faisant partie de groupes extrémistes, notamment d’extrême-droite qui utilisent ces armes. Rajan Basra, un chercheur au centre international d'étude de la radicalisation au King's College de Londres explique que la majorité des dernières saisies de ces armes en Europe étaient liées à des militants d’extrême-droite. Par exemple, un Britannique de 34 ans,  nationaliste blanc a été arrêté en 2020 alors qu’il essayait de créer une arme imprimée en 3D, un homme de 25 ans faisant partie du Nordic Resistance Movement a également été arrêté et les forces de police ont retrouvé des composants d’armes imprimés en 3D, ou encore un homme de 34 ans des Pays Bas a été arrêté pour avoir construit un FGC-9, et les autorités ont retrouvés plusieurs drapeaux nazis dans son appartement.

 

 

La prolifération des armes imprimées en 3D reste pour l’instant à relativiser mais le phénomène doit être surveillé. Les technologies des imprimantes 3D et des matériaux s’améliorent, permettant de créer des armes toujours plus rapidement, à moindre coût et de meilleure facture, les rendant plus résistantes. Mais plus encore, certains appellent à une meilleure régulation et une meilleure législation, plus rigoureuse, afin de limiter leurs effets. Les services de sécurité sont en alerte et les gouvernements n’ont encore que peu légiféré sur cette nouvelle menace, tandis que les tueries et les fusillades avec armes réelles sont l’objet de rapports quotidiens dans les médias internationaux. L’usage de cette technologie 3D n’est fort heureusement pas que mortifère, l’impression 3D dans le domaine de la santé permet notamment la création de prothèses et le secteur du spatial en a fait un nouvel atout. La start-up Relativity Space a utilisé cette même technologie pour essayer de construire une fusée viable. A suivre !